Chaque cas est particulier et pourtant nous arrivons parler de notre souffrance.

La socialisation par la parole et la fixation par lcrit sont des puissants moyens de gurison. Les documents ici rassembls tmoignent de ce processus.

Un point commun se dgage de nos " feuilles " : la souffrance nat dun sentiment dabandon. A la recherche du lien, de la loi qui puisse permettre de vivre, nous, les malades alcooliques, titubons dun extrme lautre, nous nous attachons des remdes fallacieux et de faux prophtes.

Des paradoxes nous crasent : nous ne trouvons pas les limites qui garantissent notre libert ; nous ne comprenons pas comment vivre dabord pour nous, penser dabord notre plaisir, vivre pleinement selon notre dsir si nous voulons du bien notre entourage et faire plaisir aux autres.

De qui ai-je peur, qui suis-je, o est ma place ? Mon identit est dilue dans lalcool, elle est partout et nulle part. Je me noie. Que signifie cet trange appel au secours ?

Le lien vritable libre, mais mes liens menchanent. Pourquoi faut-il que jessaie toujours de sduire ? Pourquoi toutes mes motions saccompagnent-elles dun sentiment de culpabilit ?

Finalement il me faut reconnatre que mon rle de victime, de malade alcoolique nest pas sans satisfaction pour moi et que mon entourage y trouve aussi du bnfice. Lalcoolisme est ma rponse inadquate et autodestructrice terme ma souffrance dtre. Je veux combler le vide aprs une journe de travail, je veux faire la fte et me retrouve dans le chaos. Ainsi, la dpendance de lenfance se perptue dans le faux-semblant dune existence de simili-adulte, obissant des injonctions et des images extrieures. Il semble que pour nous la vie nest pas un don mais une dette, et toute notre vie ne suffira pas la rembourser.

Pour sortir de mon isolement et pour ne pas retomber dans le pige, jessaie de comprendre les mcanismes de ma maladie, je prolonge mon travail personnel et la thrapie individuelle par un groupe de parole.

Ces feuilles transmettent notre exprience. Elles nous aident raconter et connatre notre histoire jusque-l mconnaissable, dforme par les brumes de lalcool. Nous nous sommes reconnus et accepts comme malades alcooliques, nous savons que le temps sera long. Mais nous avons ainsi fait le premier pas vers labstinence, nous mettons les problmes leur place pour les rsoudre un par un. Nous communiquons et nous nous comprenons : nous ne nous sentons plus seuls, abandonns ; nous pouvons mener une vie en sobrit et devenir vraiment adultes, autonomes.