Les enfants jouent dans le parc, avec les chiens qui se plaisent rapporter les btons quils leur lancent, chacun son tour. Le soleil explore les interminables ranges de ceps, aligns l comme de fiers soldats sur un champ de bataille. Pour ma part, je me prlasse sous un pin parasol qui moffre une douce somnolence. Je devine un chteau, sans doute celui o nous sommes, ou bien un autre, non loin dans les coteaux voisins.

Ce château, cest celui que je scrutais, avec le regard dun collectionneur, dans la cave, dans ma cave. Car cétait la mienne puisque cette petite cabane, cétait moi-même qui lavait construite, en planches et pierres sèches récupérées au hasard de mes escapades bravant les interdits. Ce château, il est là, collé sur une bouteille de vin rouge des Côtes- du Rhône. Toute ma collection était bien là, dans cette cave virtuelle, jy stockais toutes les bouteilles qui avaient permis aux amis de mon père et de ma famille de veiller jusquà très tard, avec de nombreux éclats de voix. Même les bouteilles dapéritifs étaient soigneusement classées, à labri : jaimais à les regarder et à les ranger pour, régulièrement , les fixer avec une insistance digne dun ethnologue ; je les connaissais et toutes avaient une histoire. Jétais alors le sommelier des bouteilles qui ont vécues.

Le plus difficile, dans mes investigations, était de retrouver les bouchons : ceux en fer, qui se vissent, ceux en liège, ceux qui avaient explosé, projetés au fond de la pièce, ou perdus dans le jardin. Toutes ces bouteilles étaient pour moi une carte de France, et je mempressais de vérifier mon livre de géographie pour y situer tel ou tel terroir, lieu de naissance de mes compagnes.

Aujourdhui, me voilà en quête dun imprimeur, fidèle créateur de ces vieilles étiquettes, espérant que le voyage continue, mais les ports dencrage ne seront plus les mêmes, ces châteaux ne sont plus.